Une très belle tribune et réflexion sur le sens de l'emploi. Un peu long mais très intéressant
http://www.tanstaafl-fr.com/article.php?story=2006031812493173
Rêves d'emploi
samedi, mars 18 2006 @ 01:49 CET
Contribution de: Jean_Dubois
WeblogLe débat sur le contrat de première embauche (CPE) laisse un goût amer en soulignant à quel point la société française est bloquée et incapable de voir au-delà de ses vieilles lunes idéologiques. Tant les partisans que les adversaires du CPE passent à côté de l'essentiel du débat. Il faut peut-être poser une question fondamentale avant de vouloir "créer des emplois": qu'est-ce qu'un emploi?
Un emploi c’est tout simplement rendre service à la société. L’économie se construit autour de l’échange de travail entre des individus aux compétences différentes. Un emploi n’est pas une manne tombée du ciel qui dans la période actuelle serait en rupture de stock. Un emploi se crée tout simplement en proposant un bien ou un service qui peut améliorer la qualité de la vie et contre lequel d’autres personnes seront heureuses de proposer en échange une partie de leur propre travail. La monnaie et les institutions de l’économie de marché assurent la fluidité de ces transactions de travail. Le chômage est un mythe, une maladie que l’on invente mais qui n’existe pas. Les économistes l’ont (pour certains) compris depuis longtemps mais leur discours n’est pas écouté (et censuré par l’opinion bien-pensante). Daniel Cohen a su le décrire en termes simples dans sa parabole de l’île aux chômeurs. Si l’on prend tous les chômeurs actuels français et qu’on les met sur un bateau en partance pour quelque île abandonnée, que deviendront-ils une fois arrivés dans leur nouveau territoire ? Les imagine-t-on se tourner les pouces sur la plage et dépérir progressivement parce qu’ils « n’ont pas d’emploi ». Les voit-on construire une ANPE et faire la queue en attendant que des emplois arrivent, ou bien vont-ils élire un représentant et défiler devant lui pour manifester et réclamer des emplois ? Non, ils vont simplement s’organiser entre eux pour reconstruire à l’échelle de l’île une économie. Et tous les arguments stupides sur « l’absence de travail » s’effondrent. Les chômeurs eux-mêmes ont des besoins qui ne peuvent être satisfaits que par le travail. L’apparition de chômage dans une société n’est en rien liée à un manque de travail, ou alors il faudrait faire l’hypothèse que tous nos besoins sont satisfaits, ce qui est loin d’être le cas !
Le chômage peut très certainement être aggravé par l’intervention des Etats dans les contrats libres entre individus. Un salaire minimum ou des lois qui empêchent de licencier ont très certainement un impact négatif sur la création (et la destruction) d’emploi. Mais à nouveau ce serait une erreur de croire qu’il s’agit là de la « cause » du chômage. Les lois sociales existent dans tous les pays et ce ne sont pas les pays qui en sont dépourvus (les pays en développement) qui sont les pays qui se portent le mieux. Le chômage y est plus élevé que dans les économies du Nord de l’Europe qui ont su se débarrasser en grande partie du chômage tout en renforçant un système social très avantageux. Des lois idiotes peuvent bloquer les transactions, retarder les embauches, mettre certaines catégories de la population temporairement au chômage. Mais elles ne peuvent créer un chômage de masse durable. Car une économie de marché par définition s’adapte aux circonstances. De la même façon que la fluctuation des prix permet après une catastrophe naturelle ou un choc économique de limiter les impacts négatifs sur la production et la consommation, une économie peut s’accommoder d’un salaire minimum élevé, en trouvant des solutions de production ou de prestation de services faisant moins appel à la main d’œuvre. A nouveau cela peut très certainement avoir un impact négatif sur certaines franges de la population active (ceux dont la productivité est faible) mais si vous regardez un Starbucks aux Etats-Unis et en France vous verrez moitié moins d’employés dans le Starbucks français et des prix relativement plus élevés mais à la fin vous aurez un service de café identique et une société Starbucks faisant tout autant de bénéfices. Chaque entreprise peut produire avec des combinaisons différentes de travail et de capital. Des solutions plus intensives en capital ne créent pas de chômage (même si cette idée traîne dans des manuels d’économie encore en circulation écrits par des énarques plutôt que des économistes). Le capital lui-même ne tombe pas du ciel et est en fait aussi le fruit du travail. Ceux qui ont peur d’une économie où tout serait produit par des machines (ou des Chinois, ce n’est en fait pas fondamentalement différent d’un point de vue économique) devraient primo se demander qui fabriquent les machines (ou qui rémunère les Chinois pour le travail qu’ils font pour nous) et secundo se réjouir car une telle situation permettrait beaucoup mieux que les 35 heures, la quasi absence de travail pour tous avec un niveau de vie très supérieur à ce qu’il est maintenant ! Le chômage n’est pas une maladie qui ronge nos sociétés mais quelque part un objectif lointain dont on peut rêver. Le réel chômage sera l’apogée du capitalisme, la société d’abondance avec élimination presque totale du travail. Mais nous n’en sommes pas là.
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